Jeune Afrique, 2 de Febrero- Tiré d’un âpre roman de l’écrivain J. M. Coetzee, le film "Disgrâce" qui sort mercredi dans les salles obscures dépeint une Afrique du sud au destin compromis par un lourd héritage de violence entre Noirs et Blancs, mais aussi hommes et femmes.
Acteur australien et réalisateur en 2002 d’un premier long métrage, "La Spagnola", qui relatait les tribulations d’une famille espagnole modeste émigrée en Australie, Steve Jacobs adapte ici fidèlement le beau roman éponyme du Sud-africain John Maxwell Coetzee, prix Nobel de littérature 2003.
Le héros du film est David Lurie (John Malkovich) un professeur de littérature à l’université du Cap, divorcé de longue date, par ailleurs un Don Juan attiré par les très jeunes filles.
Lorsque sa liaison avec Melanie (la débutante sud-africaine Antoinette Engel), une ravissante étudiante de son cours de poésie romantique, déclenche le scandale, il décide de partir s’installer chez sa fille Lucy (Jessica Haines).
Alors que David commence à s’habituer à la vie rude que celle-ci mène dans une ferme isolée, des hommes font irruption, pillent la maison et violent Lucy. Choqué, David ouvre les yeux sur le monde qui l’entoure.
Il prend conscience des relations minées entre les Noirs, longtemps victimes de l’apartheid, et les Blancs, à peine tolérés sur les terres qu’ils possédaient autrefois, mais aussi de sa propre conduite prédatrice envers les femmes.
Attentif à l’esprit d’un roman complexe, Steve Jacobs filme la beauté d’une terre difficile d’accès mais riche et âprement disputée, menant de front les deux thèmes du livre : le drame intime et le destin tragique d’un pays.
Il souligne la sourde colère des fermiers bénéficiaires de l’abolition de la ségrégation raciale mais toujours aussi pauvres, et les humiliations insidieuses subies par les anciens propriétaires, qui vivent mal leur déclassement social.
L’héroïne Lucy est sous l’emprise d’un sentiment de culpabilité, tentant de racheter les décennies d’oppression exercée par les Blancs par une vie modeste, ravalant son orgueil pour trouver sa place dans un pays nouveau.
Mais dans "Disgrâce", la violence larvée éclate comme la foudre, avant de planer à nouveau, personnifiée par un homme indéchiffrable, Petrus (le Français Eriq Ebouaney), le régisseur qui a pour ambition de racheter les terres de Lucy.
Et si la réconciliation est possible, l’avenir semble lourd de menaces.
"J’ai préféré laisser au spectateur le soin de forger son propre point de vue et, du coup, la caméra se tient à distance des personnages", explique Steve Jacobs dans les notes de production, expliquant ne "pas avoir voulu adopter un style moderne où la caméra est constamment en mouvement".
Et de fait, "Disgrâce" incite à la réflexion, en particulier sur la sexualité. Toutefois, la portée symbolique des situations — et notamment le viol comme métaphore d’une situation politique — que l’écriture évoquait avec subtilité, se révèle par moments un peu trop schématique à l’écran.