Le «miracle» des musiciens de la rue de Kinshasa au Festival de Cannes

Jeune Afrique, 13 de Mayo- Un tonnerre d’applaudissements a accueilli trois d’entre eux et l’équipe du film à leur arrivée dans la salle où la projection venait d’avoir lieu, certains spectateurs laissant couler des larmes de «joie» devant «l’exploit de ces vertueux du ghetto» de Kinshasa, qui préparent une tournée aux Etats-Unis et en Asie.

Tout démarre à Kinshasa en 2003 où les réalisateurs filment en immersion dans la population, s’intéressant notamment aux musiciens de la rue, très nombreux. Ils tombent sur «Papa Ricky», 58 ans, l’imperturbable boss à la jambe gauche inanimée et trop courte, casquette de cuir noir vissée sur la tête et leader du groupe qui vit dans la rue où il joue avec ses compagnons de fortune des mélodies, rythmées par le blues urbain de Kinshasa.

«Quand il nous disait qu’ils deviendraient le groupe de musiciens handicapés le plus célèbre du monde ce n’était pas gagné. . . Nous avons été portés par cet espoir et aujourd’hui le miracle des Benda Bilili continue», a commenté Renaud Barret, réalisateur avec Florent de La Tullaye du film qui montre comment ces huit musiciens de la rue, dont cinq handicapés atteints par la poliomyélite, ont réussi l’exploit de sortir un album en France et en Angleterre en mars 2009, tout en continuant à vivre dans les rues miséreuses de Kinshasa.

Les réalisateurs croisent Roger, un petit mendiant qui joue avec l’instrument qu’il s’est fabriqué, un luth comprenant une seule corde reliée à une boîte de conserve, et qui va rejoindre les anciens, séduits par le son cristallin qu’il produit. Ils répètent au zoo de Kinshasa, seul endroit calme de la ville, et arrivent à produire un premier enregistrement artisanal, aidés par les réalisateurs qui rentrent le faire écouter en France. Le Label Crammed produit leur premier album en 2009. Le succès est tel que les Eurockéennes de Belfort les programment. Suivront une série de concerts partout en Europe.

600 heures de rush pour une heure et demi de film. La violence, la jungle de la vie, de la nuit, la dignité dans la pauvreté, la solidarité, l’amour, la persévérence, le courage : «pour la première fois des gens venaient filmer autre chose que la misère. On a été portés par leur énergie, par cet optimisme frisant le donquichotisme. Chaque fois on repoussait la fin du film, on avait peur de ne pas les revoir quand on rentrait en France» avant de revenir, a raconté Renaud Barret, n’en «revenant toujours pas d’être là avec eux».

«Depuis, on a une maison, on a fait des bistrots, une épicerie. Kinshasa c’est bien mais ici on voit que ça va, quoi. . . «, a commenté Ricky, avec humour, interrogé sur sa vision de l’Europe.

«Et Benda Bilili au fait, ça veut dire quoi ?», demande quelqu’un. «Tirer les images, voir loin, réfléchir. . . «, répondent les réalisateurs. «Voir au-delà des apparences», ajoute Ricky.

La Quinzaine des Réalisateurs, manifestation parallèle du festival de Cannes qui n’est pas intégrée à la compétition, se déroule du 13 au 23 mai et présente cette année 22 longs métrages.

«Benda Bilili!» concourt pour la Caméra d’Or qui distingue un premier film présenté dans les sélections officielles ou parallèles.

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