Burkina, des Voltaïques aux Hommes intègres

Jeune Afrique, 15 de Marzo- L’historien et homme politique Joseph Ki-Zerbo, parlant de son pays, disait : « Il a des ressources naturelles médiocres mais une population très laborieuse et une position géographique de premier plan. » Il avait vu juste : aujourd’hui encore, la principale richesse de cet État d’Afrique de l’Ouest reste le coton. Mais quand on sait à quelles difficultés l’or blanc et ses producteurs sont confrontés sur le marché international, on comprend mieux pourquoi le Burkina est classé parmi les plus démunis. Voilà un petit pays enclavé, prisonnier du Sahel, au sol sec, mais qui, depuis les années 1980, essaye, avec un certain succès, de jouer dans la cour des grands. Petit Poucet, le Burkina a vu pendant ces cinquante dernières années son histoire s’imbriquer dans celle de son puissant voisin, la Côte d’Ivoire. Comme à l’époque coloniale, leurs destins semblent intimement liés, en dépit de crises épisodiques.

Ici bien plus qu’ailleurs, des forces sociales, des partis dignes de ce nom ont pu exister et peser sur la vie politique au moment où cela était inimaginable dans la plupart des pays du continent soumis à la loi du monopartisme. C’est là, longtemps avant que ne sonnent les trompettes de la démocratie à La Baule, en 1990, qu’un chef d’État en exercice, militaire de surcroît, le colonel Sangoulé Lamizana, est mis en ballottage par un opposant lors d’une présidentielle, avant de s’imposer au second tour.

Mais le Burkina a connu aussi des turbulences, qui se sont terminées par des coups d’État – quatre au total – dont le dernier, qui a coûté la vie à Thomas Sankara, a été le seul sanglant. Il a acquis ensuite une réputation d’agent déstabilisateur de toute la région. Pourtant, grâce à un changement de cap opportun, le président Compaoré s’est mué en faiseur de paix, Ouagadougou devenant une étape obligée pour tous les frères ennemis en voie de réconciliation. C’est également une terre où un crime comme l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998 mobilise des foules scandalisées par l’impunité et assoiffées de justice. Ce meurtre sonne, paradoxalement, comme le début du réveil démocratique. Pendant cinquante ans, le jeu aura été celui-là : un pays bouillonnant, à l’influence bien plus importante que son poids économique le laissait supposer.

Prisonnier du Sahel

C’est le 5 août 1960 qu’il accède à la souveraineté internationale sous le nom de Haute-Volta. À la tête du nouvel État, Maurice Yaméogo, ancien séminariste passé maître dans l’art de la volte-face. Alors qu’on le dit sans réelle base politique, il réussit à damer le pion à ses adversaires. Dirigeant un pays sans ressources, Yaméogo doit en plus tenter d’exister au milieu de poids lourds qui le cernent : le Ghanéen Kwame Nkrumah ; l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny ; le Malien Modibo Keita. Menant une diplomatie erratique, alternant alliances et mésalliances, autoritaire, le président voltaïque tente d’exister en se plaçant, pour ainsi dire, sous la coupe de celui qui lui sert de mentor : Houphouët-Boigny.

 

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