Au nom du père, les descendants des héros des indépendances se racontent

Ils s’appellent Lumumba, Nkrumah, Tshombe, Dacko ou Tombalbaye… Certains se sont fait des prénoms et figurent parmi les élites de leur pays. D’autres ont sombré dans l’oubli. Dans leurs propos, on devine le poids de l’héritage, et la difficulté – peut-être – pour ces filles et fils de grands artisans de l’histoire africaine de vivre le grand écart entre passé et présent.

 

Discrets, loin de constituer une confrérie où l’on se fréquente et où l’on s’entraide (bien que les Lumumba et les Nkrumah affirment avoir partagé le même parrain, le président égyptien Abdel Nasser), ils tentent de s’imposer dans divers secteurs professionnels, avec souvent un passage par la case politique. Ils sont pédiatre (Babette Ahidjo) ou journalistes (Sékou et Nasser Nkrumah), responsable des ressources humaines ou consultant (Faïza et Azeddine Ould Daddah), et disent vivre des fruits de leur travail.

 

Lettre-testament

Mais lorsqu’ils se racontent, c’est toujours par l’appel de leur géniteur qu’ils déroulent leur récit. Par le désir de poursuivre ou de réaliser ses idéaux qu’ils justifient leur parcours. Pour Samia Nkrumah, 51 ans, seule élue du Convention People’s Party (CPP), la fibre politique s’est manifestée à mesure qu’elle découvrait les écrits de Kwame Nkrumah, père de l’indépendance du Ghana. Alors que personne ne pariait sur sa victoire, elle a réussi à ramener au Parlement le parti de son père six mois seulement après son retour définitif au pays, en 2008. « Mon nom était un atout, mais j’ai dû battre campagne jour après jour dans les 300 circonscriptions de l’Ouest ghanéen », affirme-t-elle. La prochaine étape pour cette ancienne journaliste, c’est la présidence du CPP, qu’elle briguera en avril. « Pas pour me mettre en avant, mais pour créer une formation d’envergure nationale réunissant tous les micropartis qui se réclament de Nkrumah et optimiser nos chances pour la présidentielle de 2012 », assure-t-elle.

 

Chez Roland et Juliana Lumumba, l’engagement politique est guidé par la lettre-testament adressée à leur mère. « À mes enfants que je laisse, et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu’on dise que l’avenir du Congo est beau et qu’il attend d’eux, comme il attend de chaque Congolais, d’accomplir la tâche sacrée de la reconstruction de notre indépendance et de notre souveraineté », écrivait Patrice Lumumba, Premier ministre de la République du Congo, actuelle République démocratique du Congo (RDC), peu de temps avant sa mort.

 

Fonds de commerce

Trois de ses quatre enfants ont effectué une carrière politique, souvent empreinte de panafricanisme. Avoir vécu aux côtés du président Nasser et côtoyé Kwame Nkrumah pendant leur exil laisse forcément des traces. Ministre de la Culture sous Laurent-Désiré Kabila, de 1998 à 2001, Juliana Lumumba est depuis neuf ans secrétaire générale de l’Union africaine des chambres de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers. Installée au Caire, elle milite pour la création d’une Fédération des États africains. Tout comme son frère, Roland Lumumba, ancien député, qui, en tant que secrétaire général du Forum des ONG arabo-africaines­, appuie le projet dans la société civile africaine. Mais cet architecte de formation au carnet d’adresses bien fourni sillonne aussi l’Afrique pour du conseil en financement de projets. Il dit « vivre confortablement », grâce aux revenus de son cabinet d’architecte de Kinshasa. À ceux qui leur reprocheraient d’utiliser leur nom comme fonds de commerce, Juliana Lumumba rétorque : « Nous ne nous sommes jamais considérés comme légataires de la légitimité ni de Lumumba ni du lumumbisme, pour la simple raison qu’il n’avait pas vocation à devenir un roi, ni sa famille une dynastie. »

 

Justine Kasa-Vubu est l’une des neuf enfants de Joseph Kasa-Vubu, premier président de la République du Congo, entre 1960 et 1965, mort quatre ans après avoir été renversé par Mobutu. Présidente du Mouvement des démocrates (MD) et probable candidate à la présidentielle de 2011, cette sociologue de 59 ans, qui vit entre Bruxelles et Kinshasa, a fait le pari de rendre à son père sa place dans l’Histoire.

 

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