Sénégal: HRW dénonce «le système d’exploitation» des enfants mendiants

Jeune Afrique, 15 de Abril- "Le gouvernement sénégalais ne devrait pas rester les bras croisés pendant que des dizaines de milliers d?enfants talibés (élèves des écoles coraniques, ndlr) sont soumis chaque jour à des violences physiques, une négligence totale et, en fait, à des conditions s?apparentant à de l?esclavage", a affirmé la directrice de la division Afrique à HRW, Georgette Gagnon.

Dans son rapport, l’organisation décrit ce qu’elle appelle un "système d?exploitation et de maltraitance" de jeunes garçons "dont la vaste majorité ont moins de 12 ans et beaucoup n?ont pas plus de quatre ans".

"Transférés de leurs villages du Sénégal et de Guinée-Bissau vers des villes sénégalaises, les talibés sont forcés de mendier parfois jusqu?à dix heures par jour", écrit HRW. Souvent pieds nus, affamés, "ils tendent une sébile en plastique ou une canette vide dans l?espoir de recevoir une aumône".

"Chaque jour je devais rapporter au marabout 600 CFA (0,9 euro ou 1,2 dollar), du riz et du sucre. Chaque fois que je ne pouvais pas, le marabout me frappait à coups de câble électrique", témoigne un garçon de 11 ans que ses parents avaient confié à 7 ans un "marabout" de Dakar.

L’organisation soutient que "dans plus de 100 daaras (écoles coraniques) dont HRW a interrogé des talibés actuels ou passés, le marabout recueille en général de 20. 000 à 60. 000 dollars US (14. 600 à 43. 800 euros) par an grâce à la mendicité des garçons".

L’ONG souligne que, dans le pays, "nombre de marabouts remplissent consciencieusement la tradition importante de fournir aux jeunes garçons une éducation religieuse et morale". Et un marabout de Kolda, Aliou Seydi, rappelle d’ailleurs que "les enseignements de l?islam s?opposent entièrement au fait d?envoyer des enfants dans la rue et de les forcer à mendier".

Mais HRW constate amèrement que beaucoup de marabouts "dénaturent l?éducation religieuse, la transformant en exploitation économique" des enfants qu’ils laissent vivre dans le plus grand dénuement.

Il est ainsi "courant que les enfants dorment à 30 dans une petite pièce" de la daara, souvent une construction inachevée, relève-t-elle.

Le Sénégal a "érigé en crime le fait de forcer autrui à mendier en vue d?en tirer profit, mais cette loi n?a débouché que sur peu de mesures concrètes", constate HRW, qui juge que "les autorités sénégalaises ont choisi d?éviter de défier les puissants dirigeants religieux du pays, y compris les marabouts individuels".

Le gouvernement sénégalais a toutefois lancé "une initiative visant à créer 100 daaras modernes entre 2010 et 2012 et à les soumettre à une réglementation", mais ce plan "aura peu d?impact sur les dizaines de milliers de talibés qui vivent déjà dans des daaras qui les exploitent" selon HRW.

L’ONG demande instamment au gouvernement de "réglementer les écoles coraniques", traduire en justice les "marabouts qui violent les lois" et de faire en sorte que "tous les daaras soient agréés et fassent l?objet d?inspections périodiques par des agents de l?État".

Rappelant qu’un grand nombre de petits mendiants "viennent de la Guinée-Bissau", HRW interpelle aussi le "gouvernement bissau-guinéen" qui "doit encore criminaliser officiellement la traite des enfants".

 

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