Jeune Afrique, 12 de Marzo- Omar Bongo Ondimba (OBO) décédé, les Gabonais apprennent à vivre avec son successeur, Ali (ABO). Six mois après son élection, le 30 août 2009, et quatre après son investiture, le 16 octobre, la vox populi, circonspecte, n’est pas encore parvenue à cerner ni à étiqueter le nouveau locataire du Palais du bord de mer. Tout juste observe-t-on qu’il n’essaie pas de copier son père. Le peut-il seulement ?
Le quinquagénaire cosmopolite né au Congo, éduqué au Gabon, scolarisé en France et formé aux États-Unis n’a pas les mêmes références que le vieux sage, natif de Lewaï, devenu par le plus grand des hasards fonctionnaire de la Coloniale, puis ministre et président de la République. En plus de sa langue maternelle, le téké, OBO parlait le français, le lingala (Congo et RD Congo) et le sango (Centrafrique). Quant à son fils, il alterne entre le français et l’anglais, tout en améliorant son arabe.
Même dans le style, le nouveau président tranche avec son prédécesseur. Pour célébrer les cent premiers jours de son quinquennat, le 23 janvier, Omar aurait prononcé un de ces discours qui ont fait sa marque de fabrique, au langage décontracté, parfois familièrement proche de celui qu’on entend dans les matitis (quartiers populaires). « Baby Zeus », comme on le surnommait du vivant de son père, puise, lui, dans un lexique plus policé.
Toutefois, la même semaine, en annulant au dernier moment et sans autre explication que des « raisons impératives et indépendantes de [sa] volonté » une rencontre prévue le 22 janvier avec des journalistes français de TV5 Monde, de RFI et du quotidien Le Monde qui avaient déjà effectué le voyage pour Libreville, il a montré une certaine méfiance à l’égard de cet exercice, prenant ainsi le risque d’entamer son capital médiatique. « Le président ne voulait pas parler pour ne rien dire, justifie un conseiller. Nous n’en sommes qu’au début des réformes. Il est trop tôt pour esquisser un bilan. » En lieu et place du chef, c’est le porte-parole de la présidence, Guy Bertrand Mapangou, qui, pour l’heure, est chargé d’expliquer à la presse les actions de l’exécutif. Les amateurs de petites phrases présidentielles repasseront.
À la fureur de la coterie tribale issue du Haut-Ogooué, Ali a laissé une grande marge de manœuvre au Premier ministre, le Fang de l’Estuaire Paul Biyoghe Mba, qui est loin de faire de la figuration. Les nominations au gouvernement – composé le 17 octobre – ainsi qu’aux postes stratégiques de l’administration, des entreprises et organismes publics portent en effet l’estampille du Premier ministre. Il a notamment nommé l’un de ses proches, Julien Nkoghé Békalé, à la tête du stratégique ministère des Mines, du Pétrole et des Hydrocarbures.
Des privilèges abolis
Du temps de Bongo père, les dignitaires limogés se seraient précipités au Palais pour implorer la clémence et la générosité du « patriarche ». Bon prince, enjoué et bienveillant, il leur aurait trouvé un strapontin en guise de consolation. Les temps changent. À l’heure du « Gabon émergent » d’Ali, nul n’ose plus entreprendre une telle démarche. Rudoyée, la caste des ex-familiers du pouvoir fait le dos rond. Finis les longs conciliabules sous l’arbre à palabres autour du chef de village. Chassée la cohorte de thuriféraires grassement payés au titre de « hauts représentants personnels » et autres « conseillers spéciaux ». Nettoyées aussi les directions générales de l’administration et des grandes entreprises qui s’étaient érigées en baronnies à la périphérie de la cour.