Jeune Afrique, 18 de Enero- L’Egypte cherche à minimiser la portée de la fusillade au cours de laquelle six chrétiens ont été tués la veille du Noël copte, parlant d’une affaire "criminelle" et non confessionnelle alors que les protestations se multiplient à l’étranger.
Le 6 janvier, trois hommes armés ont ouvert le feu sur des Coptes qui sortaient de la messe à Nagaa Hamadi, à 600 km environ au sud du Caire, tuant six chrétiens et un policier musulman.
Le président Hosni Moubarak vient de réagir, plus de dix jours après l’attaque, de manière indirecte. Tout en appelant musulmans et chrétiens à l’unité, il a accusé "certains à l’étranger" de vouloir semer la discorde en Egypte, sans donner de précisions.
Les autorités égyptiennes nient tout caractère confessionnel de l’affaire, insistant sur son aspect "criminel" et parlant d’une vendetta après le viol d’une fillette musulmane de 12 ans par un Copte en novembre.
"Si c’était une réaction à vif, pourquoi l’attentat n’a-t-il pas eu lieu plus tôt?" s’interroge l’analyste politique indépendant Issandr al-Amrani. Tout en reconnaissant que l’agression sexuelle de la fillette a provoqué des tensions, il juge "absurde" que les autorités n’admettent pas l’aspect confessionnel de ce qui s’est ensuite passé.
"Il faut reconnaître une certaine tension entre les musulmans et les chrétiens en Egypte. Cette tension est très aiguë en Haute-Egypte", affirme pour sa part le politologue Mustapha Kamel el-Sayyed.
La thèse d’une vendetta classique ne tient pas parce que "les trois accusés ne font pas partie de la famille de la jeune fille violée. Pourquoi ont-ils choisi de tirer sur des Coptes la veille du Noël copte?" souligne-t-il.
Le secrétaire d’Etat aux Affaires juridiques, Moufid Chehab, a pourtant affirmé que les "mobiles religieux" étaient inexistants selon l’enquête, tandis que le président du Parlement, Hani Sorour, a estimé qu’il ne fallait pas considérer "un incident isolé comme une preuve de l’existence d’un conflit religieux".
Dimanche, la parlementaire copte Georgette Qellini, qui insistait pour qualifier l’attaque de "confessionnelle", a été vivement attaquée par des députés de son propre bord, le Parti national démocrate (PND, au pouvoir).
"C’est leur réaction dans la plupart de ces cas", affirme M. Amrani. Les autorités "ont le sentiment qu’en parler va transformer des crises locales en crise nationale. Il y a une certaine peur d’ouvrir le débat au niveau national", ajoute-t-il.
"Je crois que le gouvernement veut minimiser la gravité de la situation, pour rassurer l’opinion publique égyptienne, arabe et surtout internationale", estime M. Sayyed.
Les condamnations se sont en effet multipliées à l’étranger, les Etats-Unis se disant "très préoccupés par les événements tragiques de Nagaa Hamadi" en évoquant "l’atmosphère d’intolérance" prévalant selon eux en Egypte.
Le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini, avait lui dénoncé des violences "suscitant l’horreur", tandis que le pape Benoît XVI a affirmé que "la violence envers les chrétiens dans certains pays suscite l’indignation de nombreuses personnes".
Les Coptes comptent pour près de 10% des 80 millions d’Egyptiens. Ils se plaignent depuis plus de 20 ans de discrimination, affirmant être tenus à l’écart de certains postes-clés au sein de l’armée, de la police, de la justice ou des universités.
La fusillade du 6 janvier est l’attaque la plus meurtrière à être commise contre les Coptes depuis 2000, lorsque des affrontements avaient fait 20 morts parmi la communauté chrétienne.
Les trois accusés, capturés deux jours après l’attaque et inculpés de "meurtre avec préméditation", seront jugés par une cour d’exception à partir du 13 février, et risquent la peine de mort.