Wade joue avec le feu sacré

Jeune Afrique, 6 de Enero- Le président sénégalais Abdoulaye Wade aurait-il quelque chose à se faire pardonner? Après la polémique – et les échauffourrées – née de ses propos tenus le 28 décembre concernant les chrétiens du Sénégal, il n’a pas souhaité s’excuser. Mais il a tout de même tenu à désamorcer les tensions religieuses naissantes en nommant, jeudi 6 décembre, un ministre conseiller chargé des Affaires religieuses. Il s’agit de Mamadou Bamba Ndiaye, journaliste et membre du parti au pouvoir, qui est également le porte-parole du chef de l’Etat.

Une première au Sénégal
La création de ce ministère est une première au Sénégal, pays dont 95% de la population est musulmane et 5% chrétienne. "Nous avons connu ces derniers temps des malentendus. Il est tout à fait normal de résoudre le problème en mettant en place un dispositif, en faisant accompagner le président de la République", a expliqué le ministre de la Communication, Moustapha Guirassy.

Des échauffourées avaient éclaté le 30 décembre à Dakar entre de jeunes chrétiens et les forces de l’ordre, peu après le "message du Nouvel an" de l’archevêque de Dakar Théodore Adrien Sarr qui avait dénoncé comme "humiliants" les propos de Abdoulaye Wade sur l’Eglise, tenus le 28 décembre. Ce dernier répondait à une polémique lancée le 11 décembre par des imams sénégalais qui avaient critiqué dans un prêche commun la construction du monument de la renaissance africaine.

Alors que le chef de l’Etat défendait la construction de l’immense statue, dénoncée par les imams comme contraire à l’islam, il avait affirmé: "Pour les musulmans, les églises, c’est pour prier quelqu’un qui n’est pas Dieu. Ils prient Jésus-Christ dans les églises, tout le monde le sait, mais (…) est-ce qu’ils (les imams) ont jamais dit de casser les églises?"

Nombreux incident depuis 2000
Selon un communiqué daté du 6 décembre, le Réseau des ONG islamiques du Sénégal (Rois), formé d’organisations parmi les plus représentatives du pays, appelle le président Wade à "ses obligations constitutionnelles de réserve" sur la religion pour préserver l’entente musulmans-chrétiens au Sénégal. Les incidents religieux ne sont en effet pas nouveaux. Ils ont été nombreux depuis la première élection d’Abdoulaye Wade à la tête de l’Etat sénégalais, en 2000.

Dès cette date, celui-ci a affiché son appartenance à la confrérie musulmane mouride, provoquant un certain malaise chez tous les Sénégalais à qui importe le caractère laïque de l’Etat sénégalais – inscrit dans l’article premier de la Constitution depuis l’indépendance obtenue en 1960.

Surtout, la sensibilité des catholiques avait été une première fois meurtrie, en 2001, lorsque l’archevêque de Dakar Théodore Adrien Sarr ainsi que les principaux évêques de la sous-région reçurent des menaces de mort. Celles-ci répondaient visiblement à une lettre épiscopale qui avait dressé un tableau très sombre de la situation socio-économique du Sénégal.

La communauté catholique sénégalaise avait été également choquée en 2006, lorsque l’opposant Jean-Paul Dias, leader du Bloc des centristes gaïndé (BCG), avait été arrêté par des policiers en pleine cathédrale de Dakar alors qu’il assistait à la messe du vendredi saint. On lui reprochait d’avoir déclaré que le président Wade était mécréant, accusation qu’il a toujours rejetée.

Perte d’influence
Les catholiques sont également frustrés de n’avoir plus autant d’influence que par le passé. Du temps du président Senghor, catholique lui aussi, le gouvernement comptait jusqu’à six ministres de cette confession. Aujourd’hui, ils ne sont plus que trois. Jusqu’en 2000, l’Eglise trouvait également une oreille attentive en la personne de la première dame, Elisabeth Diouf, fervente catholique.

Mais en ce qui concerne l’actuelle épouse du chef de l’Etat, Viviane Wade, c’est le flou absolu. Si elle participe à de nombreuses oeuvres catholiques, elle ne pratique publiquement aucune religion. Sa confession, si elle en a une, reste donc de l’ordre du privé. La création du ministère des Affaires religieuses devrait donc permettre au gouvernement de renouer les liens d’un dialogue interconfessionnel qui, avant Wade, passait par les relations personnelles des plus hautes personnalités de l’Etat avec celles de l’Eglise.

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