Seydou Badian Kouyaté : ‘’Sékou Touré était un héros africain, un très grand Africain’’

L’écrivain et ex-politicien malien Seydou Badian Kouyaté, qui vit ‘’en exil’’ à Dakar depuis 40 ans, fait part des ‘’excellents souvenirs’’ qu’il garde du défunt et controversé chef d’Etat guinéen (Ahmed) Sékou Touré qu’il qualifie de ‘’héros africain’’.

Né en 1928 à Bamako, Kouyaté vit, depuis 1968, au Sénégal sous la bénédiction du président Léopold Senghor. Il venait de passer sept mois de prison à Kidal (nord du Mali), mis aux arrêts par le militaire Moussa Traoré qui venait de renverser le régime civil du socialiste Modibo Keïta.

Auteur de Sous l’orage (1957), un classique de littérature africaine traitant du ‘’conflit de générations’’ dans la société traditionnelle confrontée, elle-même, à la modernité, Kouyaté est l’un des rares intellectuels et politiciens à assumer leur passé avec Sékou Touré.

Cette année marque le 50e anniversaire de l’indépendance de la Guinée, arrachée par Sékou Touré. Le 28 septembre 1958, ce leader syndical guinéen avait entraîné son pays dans le ‘’Non’’ au référendum d’autodétermination par rapport à la Communauté française proposée aux territoires d’Afrique par le général Charles de Gaulle.

‘’Il (Sékou) ne pensait pas la Guinée seulement, mais il pensait toute l’Afrique. Il a été le premier à penser l’Afrique, à vouloir forger l’unité africaine. Mais on l’a mis dans une situation infernale. Complot sur complot, il a été obligé de faire ce qu’on lui reproche’’, explique Seydou Badian Kouyaté.

Le régime de Sékou Touré s’est rendu célèbre à cause des purges dans l’intelligentsia et la technostructure de la Guinée indépendante par des forfaitures symbolisées par les présumés massacres au Camp Boiro. Un nombre inconnu de cadres africains, essentiellement des Guinéens, en ont fait les frais.

‘’S’il y a eu des abus, c’est parce qu’on l’a mis dans une situation impossible. Peut-être on ne peut pas le reconnaître, mais c’est de l’histoire. C’est de l’histoire. Sékou est un très grand Africain’’, justifie l’homme politique malien qui donne des raisons de ‘’comprendre’’ ce qui s’est passé en Guinée de 1958 à 1984.

‘’Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous, nous avons compris. Quand Sékou Touré a décidé de voter ‘Non’, il s’est mis tout de suite la France à dos. On l’a coincé en fermant toutes les portes de la Guinée. Et ils l’ont presque acculé aux violences, aux crimes contres ses proches. Il était harcelé de tous côtés. Il était isolé et enfermé dans la Guinée.’’

Kouyaté se montre compréhensif, à la limite défenseur du régime civil et dictatorial de Sékou Touré. Il parle de la ‘’formation révolutionnaire’’ de ce dernier, une filiation qu’il partageait avec l’ancien président malien Modibo Keïta, qu’il porte en estime. Tout le contraire pour les putschistes maliens conduits par l’ex-chef d’Etat Moussa Traoré, déchu lors d’un soulèvement populaire en 1991.

Mi-sptembre 1962, Seydou Badian Kouyaté devenait ministre de la Coordination économique et financière et du Plan. A cette période, les deux gouvernements avaient ’’décidé de forger des voies de communications entre les deux pays’’, notamment le chemin de fer Conakry-Bamako, sur lequel travaillaient des coopérants chinois envoyés par Mao Tsé Toung.

Ce projet bilatéral était issu de la réunion de Kankan, en 1967, entre le Parti démocratique de Guinée et l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain, dont Kouyaté a été militant jusqu’à son exclusion en 1998, sous l’ère démocratique au Mali.

Culturellement, il ne cache pas ses complicités avec le président-poète Senghor, son bienfaiteur. Par contre, le médecin-président ivoirien Félix Houphouët-Boigny ne trouve pas de grâce auprès de Seydou Badian Kouyaté. ‘’Ah oui ! C’est lui qui a refusé (l’unité africaine) et rejeté la fédération pour (nous conduire) à la balkanisation de l’Afrique’’.

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